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ANTIOCHE

Christian Menu à la galerie Nicolas Deman - Paris

SAINT SIMÉON À QALA'AT SAMAN

LE PÉRIMÈTRE


Avant la fondation.

 

Le moine arpenteur portait un cabas sur son dos. Une barre d’acier, un pilon, des piquets. L’ensemble rassemblé par une ficelle de chanvre. Il gravissait les derniers mètres du chemin le menant au plateau. Un chemin caillouteux. Sa bure lui tenait chaud. Son visage émacié perlait de sueur. Il avait été envoyé là pour fonder une église. Une basilique. À la gloire de Saint Siméon. Le moine avait traversé le djebel El Ansariye, après avoir débarqué à Lattaquié. Il venait de Byzance où sa congrégation s’était arrêtée.

Épuisé et amaigri par une longue marche, il accéda enfin à la dernière hauteur. Le plateau dominait la vallée d’Antioche et le spectacle, sans nul doute, dépassait toutes ses espérances, effaçant instantanément la peine de ses derniers jours.

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NU-PAYSAGE

Christian Menu à la galerie Nicolas Deman - Paris

Épier la lumière rasante sur le corps infléchi. Le corps phosphorescent. Épier l’ombre. Et l’instant. Le corps nu ressemble à la terre. Éclairée de la lueur sourde de la lune. Aux océans et aux continents. Immuables. Le corps dans sa chair à la couleur imprécise, se plie et se replie. Se déforme. Sans mesure. Sans dimension. Au contour hésitant. Aux mouvements parfois imperceptibles.

Certainement secrets.

Obliques et penchés. Vertigineux. Jusqu’au basculement.

Le corps expose à la lumière sa silhouette longiligne et oscillante. Sans dévoiler l’indicible de son  épaisseur pleine et saturée. Il n’est pas une géographie usuelle. Il se déforme. Gonflé de l’onde de résonance. L’espace s’ajuste. Une oscillation perpétuelle dont la lecture instantanée est l’image virtuelle du fantôme de mon anatomie. Surgie du vertige à découvrir le lien intime de cette vibration avec le reste du monde.  

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TEMPÊTE

Christian Menu à la galerie Nicolas Deman - Paris

À la fenêtre à l’ouest. Cinq heures que j’observe le montant. L’assaut. L’assaut répété des vagues. Elles s’engouffrent. Dans la passe réduite menant au port. Recouvrant d’écume les rochers pointant leurs éperons défensifs. La tempête pèse.

 

L’oiseau blanc part en reconnaissance. Au plus fort du vent. À ce moment favorable où le poisson est moins attentif. Face au souffle, sans coup d’aile, selon une voltige circulaire le menant de la crête de l’écume au creux de la vague.
 

Au loin, l’horizon rebondi, laisse craindre une puissance redoublée d’une mer énorme. Chargée et puissante de son mouvement oscillant et inexorable.  Propulsée par la force lourde de l’entrechoquement des astres. L’onde vient de loin, du plus loin de l’Atlantique. Elle gonfle à des hauteurs démesurées. L’écume recouvre désormais la baie.  

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CHARRON

Christian Menu à la galerie Nicolas Deman - Paris

DANS L’ÉPAISSEUR DES VASIÈRES

 

Au fond de la baie de Charron, l’eau chargée d’alluvions de la Sèvre dépose ses terres, marée après marée. Une bourbe profonde. Glaçant la surface de la grève découverte. Au jour clair, sa surface miroite. Au ciel gris, elle s’alourdit encore. Parfois elle s’ouvre d’une plaie large. Une découpe chirurgicale. Aux lèvres imprégnées de sang noir coagulé. À l’odeur putride.

 

LE VA-ET-VIENT DE LA MARÉE

 

À lisser la terre du rivage, comme je lisse l’enduit de la toile, la mer de son lent et inexorable mouvement, seule, parvient à modeler le rivage. Les vases, d’une glaise lâche et paresseuse se distendent et s’affaissent. À marée basse, les enfoncements de la surface des vasières emprisonnent des poches d’eau silencieusement stagnante.

 

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FUSHIMI-INARI-TAISHA

Christian Menu à la galerie Samyn - Roeselare

De ma chambre d’hôtel j’observe les quais de la gare centrale. Les trains blancs et argentés les accostent à temps régulier. Ils se croisent et s’éloignent. Ils rejoignent Hokkaidō au nord de l’archipel et Kyūshū au sud. Le temps de leurs parcours est mesuré à la seconde. Leur arrêt au millimètre.

La précision est une histoire ancienne. Elle contraste avec le chaos apparent de la ville soumise à une urbanisation de peu de règle. Sauf celle de ne pas porter ombrage à la villa impériale Ōmiya Fukiage. Protégé de hauts et épais murs d’enceinte, le palais reste dissimulé au regard. Isolée par les douves de l’ancienne forteresse médiévale, la famille impériale vit ici au secret au cœur des bois épais du Kōkyō. Seules, quelques toitures faiblement ressurgissant de la cime des arbres attestent l’existence de la résidence et de son organisation tout autour des replis secrets du paysage. Elles laissent imaginer les rituels auxquels se soumet l’Empereur, symbole du pouvoir ancestral et légendaire.

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