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CHER MICHEL POTAGE

Caroline de Camprieu

"La poésie se déploie en un feuillage agité, émeraude sur un ciel délavé. La mélancolie d’une fin d’été vous envahit. Au sol déjà quelques feuilles, cela semble exécuté d’une traite. Ciel mouvant – brossé à la hâte, irrégulier – feuillage, tronc – touches au couteau, lyriques et tranchantes. Soustraire, aller à l’essentiel, à l’âme des choses, à celle de la peinture. L’âme à nu du peintre. Imaginez-vous alors, cher Michel, qu’il soit possible de tricher, de ne pas en retour ouvrir son âme à cette grâce ? Un don appelle un don."
 

ELLE A TANT D'AMOUREUX

Caroline de Camprieu

Renato se souvenait de la première fois de cet été-là, et comment ils s’étaient reconnus. Pour lui à qui rien n’échappait et qui l’observa alors curieux et séduit, comme pour elle, ce fut une évidence. Il la laissa explorer sans la conduire, elle n’avait pas besoin de guide, bien plus qu’à une découverte il assista à un retour. Il la vit avec une grâce de sylphide revenant sur des lieux aimés se glisser dans l’esprit de la maison comme dans un gant de peau, en parcourir les contours sans la bousculer, n’en rien exiger mais amoureusement l’écouter et en prendre tout ce qui s’offrait. Et la maison fut généreuse. Renato l’aima dans l’instant pour ce qu’elle ne lui dit pas alors qu’elle décida de rester le soir même laissant repartir les amis avec lesquels elle était venue déjeuner. Il ne lui fit visiter qu’une seule chambre, celle qu’il avait choisie pour elle en la devinant, jamais elle n’en demanda une autre. Il se souvenait précisément qu’elle avait ôté ses sandales en arrivant, c’était la première chose qu’elle faisait depuis, elle les abandonnait à côté de son sac de voyage au pied de l’escalier et ne les remettait que pour aller en ville. Où qu’elle soit dans la villa ou le jardin elle y était les pieds nus, peau contre peau.

Ces brèves nouvelles d’une légèreté feinte brossent les variations du sentiment amoureux.
Amour inconditionnel pour le père, premier amour, illusion amoureuse, amour trahi…à chaque variation un portrait d’homme, par touches sensibles, et une femme, mais est-ce toujours la même, qui se dessine, se révèle sous leur regard et trace son chemin.


 

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SYRACUSE

Christian Menu

J’aime sentir le temps s'écouler. Il n’y a pas d’autre histoire que celle de ma vie. J’aime attendre les moments de la journée où la chaleur dissipée, je peux longer les façades du rivage. J’aime savoir que je ne serai que de Syracuse et mes souvenirs arrêtés au nombre de pas que je peux franchir durant les quelques heures de mes parcours du soir. Le reste du monde m'indiffère. Un territoire de quelques rues, les bords de mer que je connais parfaitement pour les explorer quotidiennement. Et auxquels je me limite strictement. Par fatigue, sans doute. D'un corps alourdi par les chaleurs siciliennes. D'un esprit trop lucide pour pouvoir imaginer trouver des plaisirs plus forts au-delà de ces frontières… J’ai l’impression que tout le temps à découvrir le monde constitue une perte sèche. À moins de langueur, de repos et de discernement. Je mesure mes gestes. Je vis l'émerveillement dans l'immobilité. De mon corps et du lieu. Il y a tant à voir, à entendre. Que j’en suis d'ailleurs exténué. Cela m’oblige à entrecouper ma journée de quelques repos sur ma couche crasseuse. Mais finalement si confortable.

L'imposture est manifeste. Celle de cette agitation bruyante des gens civilisés des villes du continent. N'importe quel arriéré mental peut s'en apercevoir. Plutôt aisément. Je n'ai pas fait d'études. J’ai très vite compris que l'escroquerie était monumentale. Je ne tiens pas à tromper quiconque. Par un savoir de circonstance. Et conduire des malheureux dans de néfastes visions du monde.




 

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